Un bon sujet ne fait pas un bon film, ou un film tout court. Voilà la principale leçon à tirer du visionnage du premier long-métrage de Philippe Petit, Tant que le soleil frappe. Présenté en compétition au 5ème Festival international du film politique de Carcassonne, le scénariste et réalisateur dépeint le combat de Max (Swann Arlaud), un paysagiste marseillais rêvant de créer un espace végétal pour les habitant·e·s dans une friche du centre-ville.
Idéaliste, Max se bat pour son projet contre tous (grand architecte arrimé aux promoteurs immobiliers, élus municipaux ne cherchant que l’exposition médiatique…) dans un combat manichéen. Rien qu’à son propos politique, le film déçoit : la gentrification n’est jamais matérialisée et le collectif d’habitant·e·s autour de Max, qui auraient pu être le cœur du film, ne sont qu’un groupe de figurant·e·s. Le film ne produit pas de discours et ne fait pas réfléchir au sujet qu’il soulève. Un comble pour un film politique.
Rares sont les films qui manquent à ce point la représentation cinématographique de Marseille. Le projet du cinéaste n’aurait certes pas dû s’y tourner, mais l’histoire de gentrification et de préemption de friches pour des projets immobiliers lucratifs rappelait assez clairement de nombreux projets de la municipalité sous l’ère Gaudin.
Le combat des habitants de la Plaine, quartier populaire du centre de la cité phocéenne, contre les rénovations visant à transformer le quartier pour le tourisme, a été largement documenté sur plusieurs années. N’évoquant même pas le nom de la ville, le scénariste et réalisateur fuit sa représentation et ne fait de Marseille qu’une vulgaire suite d’arrières-plans dont la caméra peine à saisir la beauté comme la laideur.
Tant que le soleil frappe ne se distinguera pas par ses qualités plastiques, il déçoit également dans l’incarnation des personnages. Swann Arlaud (écouter notre entretien ici) surnage parmi une galaxie de seconds rôles sans envergure. Au fur et à mesure du film, le personnage de Max devient détestable dans son comportement avec ses proches comme dans les choix pour son projet.
Philippe Petit, lui-même acteur de métier et jouant dans le film un rôle secondaire, a sans doute une responsabilité, de l’écriture des dialogues à la direction d’acteurs. Étonnamment, le footballeur Djibril Cissé, dans son propre rôle de nouveau riche investisseur mi-philanthrope mi-requin naïf, est peut-être le « personnage » le plus étrange et convaincant de l’ensemble.
Dispute entre les deux amis portant le projet, mort d’un personnage secondaire sur le terrain vague, dispute avec sa femme enceinte d’un deuxième enfant non désiré, réconciliations entre amis ou dans le couple… Tous les poncifs d’une intrigue convenue et téléphonée se succèdent. Malgré ces ressorts artificiels, le scénario fait du sur-place. Le vrai film, celui de la lutte pour le projet qui se transformerait en ZAD, semble démarrer dans sa dernière séquence.
En réalité, toute l’intrigue entre la fin du premier quart d’heure et les dix dernières minutes (le film est ramassé, avec 1h25) aurait pu être contenue dans une ellipse tant elle apparaît insignifiante face aux promesses de la lutte pour la défense de cette friche. Comme le projet de Max, le film restera une belle idée de départ, une utopie jamais concrétisée.