« Il pleut dans la maison » : le doux portrait croisé d’une fratrie en survie

Dans un premier long « de fiction » réussi, Paloma Sermon-Daï met en scène deux adolescents en situation de survie au bord d’un lac wallon. Un film politique qui échappe aux déterminismes du genre.

En compétition à la Semaine de la critique et pour la Caméra d’or, le premier long-métrage de fiction de Paloma Sermon-Daï réemploie une fratrie qu’elle avait déjà filmée dans un documentaire (Makenzy, court-métrage vu en 2017 à Visions du réel). Makenzy, 15 ans, et sa grand-soeur, 17 ans vivent dans une maison d’une petite ville touristique de Wallonie. Leur mère disparaît et réapparait, la maison est délabrée sinon en ruines (le toit troué donnant le titre du film). Voilà le cadre social posé : deux adolescents wallons, sans ressources, survivent.

Pourtant, malgré ce cadre, le film rompt avec les attendus : ni « film social » ou « à sujet », ni conte estival, Il pleut dans la maison s’aventure dans une narration faite de petits moments du quotidien et de trajectoires entrelacées. Grande soeur, Purdey prend en charge et s’occupe de sa survie comme celle de son frère : elle prend un petit boulot de nettoyage des locations pour touristes près du lac. Son frère, de deux ans son cadet, est dans l’inscouciance (zoner avec ses potes) et les petites combines : la fabrique de cigarettes, un vol d’alcool dans l’épicerie du coin ou la revente d’un vélo tiré à un vacancier.

Malgré ces caractères opposés, la scénariste et réalisatrice n’oppose pas ses personnages : les séquences où l’un disparaît au profit de l’autre sert au contraire à rapprocher leurs expériences et ce qui les unit : un certain rapport à la survie à travers les choix auxquels iels sont confronté·e·s. Les silences sont souvent plus signifiants que les dialogues téléphonés que le film évite heureusement, sûrement par la justesse de son dispositif hybride et au talent de Makenzy et Purdey Lombet pour jouer des rôles dérivés de leur propre vie.

Peu à peu, la violence sociale s’imisce dans le quotidien estival de la fratrie : Purdey passe des nuits chez son petit ami, qui a la clim et se projette dans de grandes études ; Makenzy rencontre de jeunes bourgeois en vacances au lac de L’eau d’Heure — paysage solaire, décor pittoresque et territoire autour duquel se déploie le film. Si par ce geste, le film devient politique, il n’enclave cependant pas ses personnages dans une parabole déterministe ou moraliste. Le récit leur laisse toute la place, à une distance d’où nous pouvons les regarder dans leur intimité, sans jugement, quelque part entre les premiers Brunot Dumont et les livres de Nicolas Mathieu.

La réussite de sa mise en scène tient en particulier à son apreté : des cadres simples, fixes ou avec de subtiles panoramiques de suivis, toujours à hauteur de ses personnages, dans des séquences peu découpées et un film reserré d’1h20. Le sens de l’observation de Paloma Sermon-Daï transparaît dans ce doux portrait croisé, parfois drôle et toujours juste. S’il pleut dans la maison, le soleil les attend dehors.